Les États-Unis et la Chine viennent de suspendre leurs droits de douane punitifs pour 90 jours. Derrière cette trêve inattendue, un affrontement stratégique s’est joué. Comment Pékin a-t-il contraint Donald Trump à revenir à la table des négociations ?
Début avril 2025, l’administration Trump adopte une posture offensive sur le front commercial. Dans un discours à la Maison Blanche, le président annonce une hausse massive des droits de douane, visant notamment la Chine avec des tarifs atteignant 145 %. La réponse de Pékin ne tarde pas. Le 12 avril, le ministère chinois des Finances annonce une riposte d’ampleur avec une élévation des taxes à 125 % sur les importations américaines. Cette surenchère tarifaire, qui menace de désorganiser les échanges mondiaux, alarme les milieux économiques et fait grimper la pression sur l’administration américaine. C’est dans ce climat tendu que les deux délégations se retrouvent à Genève les 10 et 11 mai. Les discussions débouchent, le 12 mai, sur un accord provisoire : les États-Unis acceptent de ramener leurs droits de douane à 30 % et la Chine à 10 %. Les deux puissances conviennent d’un mécanisme de dialogue pour poursuivre les négociations. L’annonce provoque un rebond immédiat des marchés.
L’épisode met en lumière une double logique stratégique. D’un côté, la Chine a su faire preuve de résilience et utiliser à bon escient les leviers qu’elle avait à sa disposition. Refusant d’entrer dans une logique d’escalade verbale, Pékin a privilégié la fermeté ciblée, en misant sur ses atouts structurels. Pékin a restreint l’exportation de métaux critiques comme les terres rares, essentiels pour plusieurs secteurs technologiques américain et a continué l’exportation aux États-Unis au travers d’usines localisées dans les pays voisins tel que le Vietnam. De l’autre côté, la méthode Trump illustre une approche bien connue de négociation par le choc. En fixant des exigences maximalistes, des hausses tarifaires massives, des déclarations musclées, le président américain place ses interlocuteurs en position défensive, pour ensuite mieux rouvrir la discussion sur des bases qui lui sont favorables. Cette tactique, risquée mais efficace à court terme, lui permet d’apparaître comme un dirigeant capable d’obtenir des concessions, tout en réajustant sa posture dès que les répercussions économiques deviennent politiquement sensibles.
Cette trêve marque-t-elle le début d’un nouveau chapitre dans les relations sino-américaines ou annonce-t-elle simplement un répit tactique ? Une chose est sûre : la rivalité commerciale entre les deux géants reste ouverte.
Jean-Bertrand Johnson pour le club Droit de l’AEGE
Pour aller plus loin :