La norme comme arme de réindustrialisation : retour sur la convention MECALLIANS 2025

La convention MECALLIANS du 18 mars a mis à l’honneur la norme comme arme de réindustrialisation, d’innovation et de souveraineté. La norme ouvre ou ferme les marchés, selon qu’on la crée ou qu’on la subit. Le mot d’ordre est clair : les acteurs français doivent se regrouper dans une stratégie d’accroissement de la puissance économique par la norme.

La norme mise à l’honneur lors de la convention MECALLIANS

Dans le cadre de la Semaine de l’industrie, l’Union de Normalisation de la Mécanique (UNM) a accueilli la convention MECALLIANS « Normes, innovation, souveraineté : construire la réindustrialisation » ce mardi 18 mars. Cette rencontre a été l’occasion de mettre en avant l’importance de la norme dans les rapports de puissance économique.

Pour Arnaud Montebourg, « Grand témoin » de la conférence, la norme définit le sens des mots. Qui contrôle la norme sur ce qu’est un « miel », définit le mot « miel ». Contrairement à la réglementation qui impose, Olivier Brière, Premier Vice-Président de la Fédération des Industries Mécaniques (FIM), définit la norme comme un outil d’orientation des politiques industrielles qui permet une compétition équitable. Il complète cette définition en indiquant que la norme est aussi une arme pour la réindustrialisation.

Le triptyque norme, innovation et industrie

« La norme ouvre les marchés ». C’est sur cette phrase de Denis Schnœbelen, Président de l’UNM, que s’ouvre la convention. Cependant, pour lui, la norme est l’angle mort de la politique de réindustrialisation française. Si le lien entre industrie et innovation est bien connu, leur relation avec la norme l’est moins. En effet, Chiara Danieli rappelle qu’il est nécessaire d’avoir des industries innovantes et influentes pour imposer des normes à l’international. Yannick Leblanc a expliqué comment les normes peuvent soutenir l’innovation à travers l’exemple du Groupe M. Celles-ci peuvent être source d’inspiration mais aussi être gage de qualité et de légitimité pour une nouvelle technologie.

C’est pour ces raisons que Daniel Richet, Directeur Général du Centre Technique des Industries Mécaniques (CETIM), insiste sur le rôle des normes dans la création et la fermeture de marchés. « Si vous n’êtes pas autour de la table, c’est que vous êtes au menu », résume-t-il. La menace constituée par l’émergence des acteurs asiatiques, notamment indiens et chinois, dans ce domaine est donc préoccupante. Jean-Baptiste Gillet pointe d’une part leur mise en conformité aux normes existantes afin de concurrencer les occidentaux sur leurs propres marchés, et d’autre part leur rôle croissant dans l’élaboration de nouvelles normes. L’intelligence artificielle, les puces informatiques et l’éolien marin font partie des technologies dont la normalisation pourrait se faire sans les Européens. Le fait que la Chine dispose de formations dédiées aux métiers de la normalisation illustre l’importance que ces nouveaux acteurs accordent à ce domaine, selon Frédéric Ducloyer, Directeur Général de l’UNM.

Vers une stratégie de normalisation

Selon Ulrich Adam, la nécessité d’une stratégie de normalisation découle du constat d’une UE trop longtemps naïve, aujourd’hui prise en étau entre les États-Unis et la Chine. Mais comment construire une bonne stratégie de normalisation ? Jean-Baptiste Gillet donne sa recette en trois étapes :

  1. Se doter de normes de qualité, c’est-à-dire claires et sans interprétation possible.
  2. Co-construire les normes. Le Directeur Industrie du Bureau Veritas invite industriels, agences de certification et bureaux de certification à coopérer dans l’élaboration et la mise en pratique des normes.
  3. Faire preuve de courage : il faut être capable de changer d’approche face à la fin du multilatéralisme.

Le fait que les normes en vigueur doivent être celles qui émanent volontairement des industries, et non celles imposées par l’extérieur, serait le quatrième ingrédient d’Arnaud Montebourg.

Évidemment, une politique de normalisation réussie est aussi un subtil équilibre entre simplification réglementaire et standards harmonisés. C’est également l’articulation entre normes internationales, régionales et privées. De plus, créer et se conformer à une norme prend beaucoup de temps et coûte cher aux entreprises. Pourtant, c’est bien un investissement rentable. Être à l’origine d’une norme signifie arriver en premier sur le marché qui en découle et galvanise l’image de marque. Ainsi, l’Association Française de Normalisation (AFNOR) estimait en 2017 que participer à des commissions de normalisation augmentait de 20% le chiffre d’affaires à l’export des entreprises de la mécanique. En aval, se conformer à une norme peut être gage de qualité et permettre de justifier un prix plus élevé qu’un concurrent, selon Nathalie Jacquemin.

« Fabriquer la Nouvelle France »

Cette formulation d’Arnaud Montebourg souligne la nécessité d’avoir un appareil productif pour « vivre selon nos choix ». Pour y parvenir, il est nécessaire de mettre en commun les expertises. C’est sur cette vision que MECALLIANS a pris vie. Savoir-faire techniques (CETIM), financiers (SOFITECH et CEMECA), normatifs (UNM) et lobbyistes (FIM) sont rassemblés en une entité.

Alors que Paris accueillera le sommet de l’International Organization for StandardizationISO Annual Meeting 2026, les acteurs français sont donc appelés par Daniel Richet à « être les premiers, et jouer collectif ».

Mattias Allio
Rédacteur en Chef Défense et Souveraineté Industrielle

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