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Les Houthis menacent le commerce international depuis le Moyen-Orient

Le 19 novembre 2023, les forces Houthis du Yémen ont saisi en mer Rouge le  navire commercial Galaxy Leader. Depuis, les attaques contre les navires commerciaux et militaires en mer Rouge n’ont cessé de faire parler de cette organisation armée. Ces événements s’insèrent dans le crescendo de tensions dans cette région stratégique, menaçant le transport de marchandises, notamment d’hydrocarbures.  

Les Houthis, nouvel acteur géopolitique majeur du Moyen-Orient

Dans la région ANMO (Afrique du Nord et Moyen-Orient), les Houthis sont définitivement l’un des partis les plus engagés pour la cause palestinienne, depuis l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas dans le conflit israélo-palestinien. 

À la fin des années 1990, la famille Houthi a créé un mouvement de renaissance religieuse pour la secte zaydite de l’islam chiite. Si elle avait autrefois régné sur le Yémen, son cœur septentrional s’était lentement appauvri et marginalisé. Le mouvement rebelle, officiellement nommé Ansar Allah (partisans de Dieu), a vu le jour en tant que mouvement d’opposition au président du Yémen de l’époque, Ali Abdullah Saleh. Ils l’accusaient de corruption et lui reprochaient d’être soutenu par l’Arabie saoudite et les États-Unis

En 2014, le mouvement s’est emparé de la capitale yéménite Sanaa, menaçant les intérêts géostratégiques des États-Unis et de l’Arabie Saoudite. C’est le revirement stratégique provoqué par cette prise de Sanaa, qui a poussé l’Arabie Saoudite à alimenter la guerre civile Yéménite et déclarer la guerre contre les Houthis avec le soutien de l’Amérique et d’Israël. En effet, l’Arabie Saoudite estimait que le Yémen sous l’autorité des Houthis représentait un danger à ses échanges commerciaux passants via le Golfe d’Aden (entre la Corne de l’Afrique et la Péninsule Arabique). Si Ansar Allah est un mouvement appartenant à la branche zaydite de l’Islam chiite, il a tout de même bénéficié du soutien de l’Iran et du Hezbollah libanais se rattachant au duodécimanisme chiite. Les Houthis sont l’un des éléments clés de l’axe de résistance affilié à l’Iran : c’est notamment le corps des gardiens de la révolution iranien, et le Hezbollah libanais qui ont armé et entraîné les Houthis durant leur récente guerre face à l’Arabie Saoudite.

Saisi de navires en Mer Rouge : risques supplémentaires en mer Rouge

Le matin du 19 novembre 2023, la milice Houthi a diffusé une vidéo montrant ses forces en train de s’emparer du porte-conteneurs britannique Galaxy Leader, exploité par le groupe japonais NYK. La vidéo montre un hélicoptère militaire transportant au moins 10 hommes armés sur le pont du navire d’environ 600 pieds de long, s’emparer de la passerelle drapeaux houthi et palestinien à la main. Une image satellite capturée le mardi 21 novembre au matin montre le Galaxy Leader, à l’ancre parmi d’autres navires au large du port d’Al-Hudaydah au Yémen. Ce port en mer Rouge se situe à environ 430 milles au sud-est de l’endroit où il a émis sa dernière position, reçue entre le 17 et le 19 novembre. La saisie du Galaxy Leader n’est pas une action isolée : elle s’ancre dans une série d’actions portées à l’encontre des État-Unis. De fait, le 27 octobre un missile de croisière probablement tiré depuis le Yémen à destination d’Israël a été intercepté par les américains en mer Rouge. Peu de temps après, un drone américain est abattu par les Houthis aux alentours du Yémen le 9 novembre. 

Les autorités israéliennes ont insisté sur le fait que le navire appartenait à des Britanniques et était exploité par des Japonais. Toutefois, les données relatives à la propriété figurant dans les bases de données maritimes publiques associent les propriétaires du navire à Ray Car Carriers, fondé par Abraham Rami Ungar, connu pour être l’un des hommes les plus riches d’Israël. Cette information pourrait expliquer les raisons politiques derrière la saisie spécifique de ce navire par les Houthis. 

Intensification des dispositifs sécuritaires face à l’accroissement des risques

Nonobstant, les Houthis ne se limitent pas à la saisie de navire mais visent aussi leur endommagement voire leur destruction. Pour ne citer qu’un exemple, les Houthis ont lancé 3 drones visant des navires en mer Rouge ce lundi 4 décembre. Le Commandement Central américain (CENTCOM) a communiqué ces informations : « quatre attaques ont été menées contre trois navires commerciaux distincts naviguant dans les eaux internationales du sud de la mer Rouge […] Ces trois navires sont liés à 14 pays différents ». Des équipements américains ont tout de même été touchés par des missiles Houthis la même journée, sans recevoir de dégâts importants.

De surcroît, des missiles ayant touché les navires commerciaux britanniques Unity Explorer et Number 9, auraient été tirés depuis des zones du Yémen contrôlées par les Houthis. En réponse à ces attaques, le ministre de la défense Grant Shapps, a déclaré qu’il était « essentiel que le Royaume-Uni renforce sa présence dans la région afin de protéger la Grande-Bretagne et ses intérêts dans un monde plus instable et contesté ». Le Royaume-Uni et les États-Unis ont tous deux condamnés l’Iran pour sa supposée orchestration de toutes ces attaques, fragilisant l’architecture économique de l’Occident. 

Un défi lancé à l’OTAN

La capture du navire Galaxy Leader s’inscrit dans une véritable remise en question de la présence américaine, ainsi que de ses alliés dans la région. Dès lors, Washington y a intensifié son dispositif de coercition militaire stationnant les portes avions USS Gerald R. Ford et USS Dwight D. Eisenhower, avec des flottes comprenant entre autres deux destroyers et un croiseur à missiles guidés. En réponse aux attaques sur les navires britanniques du 4 décembre, un destroyer type 45 HMS Diamond  a aussi été envoyé rejoindre la frégate Lancaster dans la région pour à priori sécuriser le trafic maritime. 

Cette présence américaine s’apparente à un soutien à Israël pour dissuader le Hezbollah (vainement) et les autres partis de la région. Elle permet aussi de limiter les risques pouvant régner sur les voies commerciales, impactant négativement les prix sur les marchés. 

En effet, la sécurisation par l’OTAN (cf carte de droite) du flux maritime dans la région est primordiale compte tenu de son volume et de son importance dans la supply-chain mondiale (cf carte de gauche). Il est primordial en ce sens de comprendre la mer Rouge comme étant le point de relais entre l’Orient et l’Occident.

Un risque supplémentaire sur le marché des hydrocarbures

Le 17 novembre, soit deux jours avant la saisie du navire par les Houthis, le Financial Times rapportait que « l’OPEP+ envisage de nouvelles réductions de la production, alors que la colère monte à propos de Gaza ». Le Koweït, l’Algérie et l’Iran ont été décrits comme étant « les plus agités par le conflit ». Des réductions ou des pressions sont attendues, mais le Financial Times a également supposé que l’Arabie saoudite prolongerait sa propre réduction volontaire de 1 million de barils par jour jusqu’à la fin de l’année. 

Les saisis et attaques successives en mer Rouge présentent ainsi un paramètre risque supplémentaire dans les échanges commerciaux passant par la mer Rouge. Par conséquent, une tension des marchés via une hausse des prix, notamment d’hydrocarbures, est à envisager. « Lorsque trois navires sont attaqués [le même jour] dans la même zone géographique, cela signifie que nous manquons un peu de ressources », a déclaré au Financial Times le responsable de la sécurité de Bimco, l’organisme représentant l’industrie mondiale du transport maritime.

« Cette saisie, alors qu’une présence navale aussi importante est en place, met en évidence le danger pour la marine marchande. Bien que la puissance navale soit importante, il est pratiquement impossible de contrôler et d’escorter le volume des navires. »

Sal Mercogliano, président du département d’histoire, de justice pénale et de politique de l’Université de Campbell sur X

Par conséquent Washington a tout intérêt à apaiser les tensions dans la région au risque de voir son architecture financière se confronter au problème d’un potentiel dérèglement du monde, passant par une redéfinition violente des territoires du Moyen-Orient. 

Sebahi Hedi

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