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La Guerre cognitive : science-fiction ou réalité ?

Le jeudi 26 octobre, l’Association des Auditeurs en Intelligence Économique de l’IHEDN animait une conférence sur la guerre cognitive. Les intervenants ont brossé un rapide état de l’art de l’expression en vogue, à travers les concepts et pratiques, en balayant la réalité de la mise en œuvre, les perspectives d’évolution et comment s’en prémunir. 

« L’ouvrage produit par l’École de Pensée sur la Guerre Économique, La Guerre cognitive, reste la référence fondatrice des réflexions actuelles sur le sujet » constate Patrick Cansell, enseignant-chercheur au DICEN en introduction. Christian Harbulot y définit en 2002 la guerre cognitive comme « la manière d’utiliser la connaissance dans un but conflictuel […] dans un rapport du faible au fort. » En opposant les capacités à « connaître et produire ou déjouer des connaissances, […] David doit vaincre Goliath. »

Approches et critères culturels 

Si quelques macro-critères peuvent-être esquissés, Marc Bonté et Stanislas Fontanille, en collaboration avec le Centre de doctrine de l’armée de terre (CDEC) l’année dernière, ont plutôt constaté une approche culturelle du concept. 

La guerre cognitive en tout lieu, de tout temps et contre tous : la Chine est un véritable laboratoire d’expérience du concept. L’omniprésence et la permanence assoient un contrôle sur les populations, qui obéissent avec consentement. 

« La Chine exerce une guerre cognitive en tout lieu, de tout temps et contre tous »

En Russie, l’analyste Carole Grimaud distingue la guerre mentale de la guerre cognitive, perçue à Moscou comme un concept inventé par l’OTAN. La guerre mentale intervient dans la sphère socio-culturelle, elle est déployée à travers la réécriture de livres d’histoire et cible l’éducation de la jeunesse au sein d’une stratégie défensive. La guerre de l’information constituerait une première étape du volet offensif, via la désinformation. La deuxième étape de la guerre mentale vient modifier la manière dont l’adversaire perçoit la réalité, afin d’influencer ses décisions : c’est le contrôle réflexif. Tel un virus psychologique, il permet une conquête des esprits grâce à la saturation pérenne et cohérente de l’espace informationnel.

 

Lutte contre la guerre d’information 

Olivier Feix, spécialiste des crises cyber, souligne l’importance de l’entraînement à résister aux capacités d’influence des machines et de l’IA. Avec l’externalisation de notre raisonnement depuis l’entrée dans le Web 3.0, il est possible de mesurer le degré de concordance entre la perception d’un individu et celle de son groupe social. La désinformation peut alors être utilisée pour exploiter la dissonance cognitive constatée chez l’individu, causée par le cercle d’incertitude lié à la diffusion d’une fausse information. 

Les enjeux de la guerre cognitive, qui atteint la capacité même de raisonner et prive du libre arbitre, poussent les entreprises à se développer des moyens de protection. Aurélie Laizé, directrice du site Airbus Defense and Space à Rennes, ajoute que l’entreprise travaille sur l’élaboration d’une boîte à outils de guerre informationnelle, au sein du contrat European Cyber and Information warfare toolbox (EUCINF) remporté en juin dernier. 

Une première conférence prometteuse

Définissant les bases de la guerre cognitive, les tables rondes ont notamment pu mettre en valeur l’intérêt porté aux affrontements informationnels, par des acteurs découplés du régalien. 

« Cette démarche indirecte est essentielle pour optimiser la rentabilité des opérations d’informations » rappelait Christian Harbulot dans une interview le 6 septembre dernier. Tout comme la dissociation des concepts de guerre cognitive et guerre informationnelle est fondamentale, pour se montrer offensif, sans risquer d’être pointé du doigt comme les méchants. 

En effet la désinformation vulnérabilise, car le risque d’être pris est présent lorsqu’on souhaite déstabiliser l’adversaire par tous les moyens, même illégaux. La guerre cognitive est plus efficace : la production de connaissances dans le but d’occuper le terrain informationnel adverse, à travers des opérations légales, s’avère être bien plus optimale pour influencer dans le domaine économique. 

Cet événement, inédit en la matière, a permis de réunir des personnalités d’horizons divers et variés. Si de nombreux spécialistes tendent à se saisir de la question, qu’en est-il du grand public ? Les prochains mois verront certainement apparaître de nouvelles publications sur ce thème, il s’agit désormais de voir si cela atteste d’une réelle prise de conscience sur la question… 

 Agathe Bodelot

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