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L’art de la globalisation, ou comment la NBA a fini par conquérir le monde [Partie 2/2]

La NBA (National Basketball Association), à la fois ligue de basket-ball américaine et compétition mondiale, occupe une place de plus en plus importante dans la culture globalisée. Si ce sport peine encore aujourd’hui à s’imposer sur le territoire américain, l’emblème de la balle orange a su s’exporter à travers le monde avec brio, tant sa stratégie a été pensée et déployée sur le long terme.

 


La première partie de cette analyse, parue jeudi 19 janvier, porte davantage la curiosité du lecteur sur les détails historiques qui ont amenée la Ligue NBA à conquérir les cœurs des amateurs de sport de part et d'autre du monde.


 

La NBA, un modèle de réussite en termes de communication

L’utilisation des réseaux sociaux est l’une des clés de voûte du développement de la NBA à l’international. Elle est sans aucun doute la ligue sportive ayant su adapter au mieux son contenu à ce nouveau moyen de communication, idéal pour toucher une audience globale. Adam Silver, commissaire de la Ligue, est conscient que l'immense majorité des fans n'auront jamais l'occasion d'assister à un match en direct. Les réseaux sociaux permettent de toucher et de fidéliser un public auparavant hors de portée. La Ligue utilise principalement Twitter et Instagram pour couvrir en direct les matchs. Y sont publiés les événements marquants de chaque rencontre de façon quasiment instantanée afin de capitaliser sur le buzz créé par un dunk, un alley-oop ou un buzzer beater. Cela est permis par la nature intrinsèque du basket, du fait de possessions limitées à 24 secondes, s’adaptant parfaitement à la norme de l’instantanéité imposée par les réseaux sociaux. Bien que le décalage horaire implique des matchs la nuit pour le public européen et en journée pour le public asiatique, de courts résumés disponibles à tout moment sont particulièrement adaptés pour ces marchés. La Ligue a décidé d'opter pour la stratégie « d'abondance » en inondant les réseaux sociaux de contenu. Ainsi, en complément des rencontres, la NBA publie également du contenu exclusif sur ses réseaux sociaux, comme des interviews de joueurs, entraîneurs ou personnalités proches de l’écosystème NBA.

 

 

Crédits : ONEFC

 

Comme le démontre ce graphique, la stratégie de la Grande Ligue sur les réseaux sociaux semble être optimale. En effet, la NBA est la ligue sportive ayant cumulé le plus de vues sur les réseaux sociaux en 2021. Alors même qu’elle bénéficie d’une audience télévisuelle plus faible que ses deux principales rivales sur le territoire américain (la National Football League et la Major League Baseball), Adam Silver estime que les réseaux sociaux vont progressivement chercher à acquérir les droits de diffusion de championnats sportifs afin de se différencier de leurs concurrents. Dans cette optique, le commissionnaire de la NBA souhaite positionner au mieux possible sa ligue en vue de futures négociations.

Il s’agit également d’une vitrine de la culture étasunienne. Sanctuarisation de Thanksgiving, journée commémorative en l’honneur de Martin Luther-King, hymne national précédant chaque rencontre, le calendrier de la NBA est émaillé d’événements mettant en avant la culture locale. Outre ces événements, la Ligue entretient une influence marquée sur la mode via ses joueurs-égéries. Aussi, l’écosystème NBA est omniprésent dans les textes de rap, y compris français. Elle y représente un idéal, un univers avant-gardiste et un modèle de réussite. Dernier facteur de propagation culturelle, les NBA Global Games poussent le show de la NBA directement en territoire étranger. Ces rencontres comprennent des matchs de présaison comme des matchs de saison régulière. Ils ont majoritairement lieu dans des pays ciblés par la Ligue afin d’y développer des parts de marché.

 

 

 

Le Mexique est également particulièrement prisé par la NBA. Lors du dernier passage à Mexico en décembre 2022, à l’occasion d’un match de saison régulière, Adam Silver a même confirmé son souhait de faire de la capitale mexicaine la 31ème franchise de la NBA : « je crois que c’est notre destinée manifeste de continuer à grandir, que ce soit aux États-Unis comme en dehors des États-Unis ». Pas moins de 11 rencontres de saison régulière ont eu lieu dans la plus grande ville d’Amérique du Nord entre 2014 et 2022. Seul le Japon dépasse le Mexique en nombre de matchs de saison régulière, avec 12 rencontres entre 1990 et 2003, révélant une baisse d’intérêt marquée pour l’archipel ces dernières décennies. Deux autres pays seulement ont accueilli des matchs de saison régulière : l’Angleterre avec 9 rencontres entre 2011 et 2019 et la France avec 2 rencontres entre 2020 et 2023. Outre ces matchs, la NBA organise également des matchs de présaison en dehors de ses frontières. Bien que ces derniers ne concentrent qu’un intérêt et une médiatisation moindre, ils sont la porte d’entrée de la NBA dans les pays ciblés, comme cela a pu l’être pour la triade Mexique-Angleterre-France dans les années 90 avant d’accueillir des matchs de saison régulière une vingtaine d’années plus tard. Ainsi, la NBA a organisé 25 de ces matchs de présaison en Chine entre 2004 et 2019 et a pénétré, pour la première fois, le marché indien en 2019 en y organisant 2 matchs. Si, ces NBA Global Games s’inscrivent pleinement dans la stratégie de communication de la NBA, ils sont également l’expression même de sa volonté de croissance continue.

 

Un modèle économique globalisé basé sur la croissance

Depuis qu’Adam Silver a pris la tête de la NBA, celle-ci s'est concentrée sur l'expansion internationale, en particulier sur les marchés en développement. Depuis la fin des années 2010, les tensions entre la Chine et la NBA suite au tweet de Daryl Morey se sont calmées. En 2019, la Ligue a même noué des partenariats avec Alibaba et Tencent pour développer son offre sur le territoire chinois. Alibaba permet à la NBA d'inonder le marché chinois de ses divers produits dérivés tandis que Tencent, via son statut de partenaire digital officiel, diffuse les matchs et autres contenus vidéo. La Ligue a également signé un partenariat avec le ministère de l'éducation chinois pour développer la pratique du basket dans le pays, de l'école primaire jusqu'aux études supérieures. Cet accord comprend la venue de joueurs, entraîneurs et légendes de la NBA. De plus, le tutorat des entraîneurs et préparateurs physiques locaux est également au programme. En complément, de nombreuses académies ont été créées en Chine pour former et détecter de nouveaux talents afin de, peut-être, dénicher le prochain Yao Ming.

En parallèle, la NBA s'est également tournée vers l'Inde, où elle compte tirer profit d’un véritable gouffre structurel couplé à une absence d’infrastructures et de ligues professionnelles. Elle fait preuve d’un grand intérêt pour ce marché au potentiel incommensurable, avec plus d'un milliard de nouveaux téléspectateurs et consommateurs potentiels. Afin d’assurer son développement en Inde, la NBA a décidé d’opter pour la stratégie qui a déjà fait ses preuves en Chine. L’objectif étant de reproduire le phénomène Yao Ming en Inde. Elle mise ainsi sur la fierté nationale en important l’Inde en NBA et non l’inverse, cette stratégie étant totalement en phase avec le nationalisme exacerbé présent en Inde. Dans cette optique, elle a donc développé une multitude d’académies destinées à la formation et à la détection de nouveaux talents. À l’heure actuelle, aucun talent comparable à Yao Ming n’a été déniché en Inde. En attendant une possible explosion du marché un jour, elle a encore du mal à s'imposer en raison de la popularité du cricket et du football dans le pays.

Enfin, la NBA lorgne également sur le continent africain, elle y a récemment lancé la Basketball Africa League (BAL). La BAL est la première ligue professionnelle créée par la NBA en dehors du territoire américain. La Ligue est aussi présente sur le continent par le biais de NBA Cares, cette fois pour des raisons extra-sportives, puisque cet organisme a pour but de travailler sur des questions d’ordre social comme l’éducation, la jeunesse et la santé. L’empreinte de la NBA sur le continent africain est donc forte, s’apparentant à une véritable mise sous tutelle sportive comme idéologique. L’Afrique est certainement la zone géographique la plus propice à un développement massif de la NBA, le continent ayant déjà ses Yao Ming actuels en les personnes de Joël Embiid et Pascal Siakam. La présence de joueurs africains en NBA est susceptible d’alimenter le rêve américain auprès de la jeunesse de pays ayant un niveau de développement inférieur à celui de l’Occident. En y implantant une ligue lui appartenant ainsi qu’en y faisant véhiculer ses valeurs par différents biais, dont NBA Cares, la NBA est en passe de s’accaparer le marché africain d’une manière encore plus directe qu’elle ne le fait en Inde ou en Chine.

 

Ainsi, la NBA a fait de la conquête de nouveaux marchés un objectif clé de sa stratégie de croissance. Cette stratégie bénéficie d’un double intérêt : la conquête de droits télévisuels ainsi que le développement et la détection de nouveaux talents qui viendront renforcer la Ligue sportivement. Cette stratégie a l’avantage de placer la NBA au sein d’un cercle vertueux, de croissance continue, et lui octroie une domination culturelle et économique sur le marché européen, comme celui mondial. Les compétitions locales y sont reléguées au second plan, tant médiatiquement que sportivement, la NBA attirant les talents du monde entier et provoquant une véritable fuite des muscles.

 

Théo Noël et Rémi Bessiere

 

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