Le 2 septembre 2025, Palantir a lancé « Working Intelligence: The AI Optimism Project », une initiative visant à repositionner l’entreprise dans le débat sur l’IA en mettant l’accent sur ses bénéfices pour les travailleurs. L’annonce intervient après une importante montée en bourse suivie d’une chute, alimentée par des accusations sur l’exploitation des données personnelles. Perçu comme un acteur du renseignement et des technologies militaires, l’entreprise cherche à se démarquer avec une vision plus humaniste et industrielle de l’IA.
Palantir a annoncé le lancement de « Working Intelligence: The AI Optimism Project », une campagne articulée autour d’un manifeste et de témoignages visant à promouvoir une vision optimiste et pro-travailleur de l’intelligence artificielle (IA). Cette initiative marque un tournant stratégique pour l’entreprise, traditionnellement connue pour ses logiciels d’analyse de données et ses contrats gouvernementaux, en le repositionnant explicitement dans le débat public sur l’IA. L’annonce est importante car elle ne se limite pas à un produit technologique : c’est un discours de positionnement qui touche à la concurrence, à l’idéologie, aux politiques publiques et au marketing technologique de l’entreprise.
Positionnement concurrentiel : Palantir face aux géants de l’IA et du logiciel industriel
Avec Working Intelligence, la société américaine cherche à se distinguer des autres entreprises phares de l’IA telles qu’OpenAI, Google DeepMind ou Microsoft, ainsi que des éditeurs de logiciels industriels traditionnels. La campagne repositionne Palantir non pas comme un fournisseur de modèles d’IA génériques, mais comme le champion d’une IA opérationnelle, ancrée dans le monde réel, aux côtés des travailleurs. Le manifeste souligne que « sur le terrain, la réalité est différente » des récits dominants. L’IA doit améliorer le travail au lieu de le menacer. Cette approche met l’accent sur les applications concrètes dans les usines, les hôpitaux, les chantiers ou les centrales électriques, secteurs où ses solutions d’IA sont déjà implantées, plutôt que sur des démonstrations d’IA désincarnées.
Cette annonce tombe à point nommé, alors que l’entreprise fait face à une défiance accrue après la récente chute de son action, provoquée par des accusations liées à l’utilisation controversée des données personnelles de citoyens américains. En diffusant un message résolument positif sur les bénéfices de l’IA pour les travailleurs et la nation, Palantir tente ainsi de redorer son image et de réorienter l’attention publique et politique vers son engagement en faveur de l’intérêt général.
Elle prend à contre-pied le discours de certains géants de la tech. Le manifeste s’en prend par exemple à « la bouillie fade et uniformisante » vendue par la Silicon Valley – ces outils passe-partout qui standardiseraient tout le monde. Cette critique vise les solutions génériques d’IA promues par des acteurs comme OpenAI/Microsoft. L’entreprise américaine oppose à cette uniformisation une approche sur mesure. L’IA doit rendre chaque utilisateur « plus lui-même » plutôt que de le rendre semblable aux autres. Là où Microsoft standardise via ses suites, Palantir prône l’adaptation fine aux métiers et aux contraintes.
En se réaffirmant comme une entreprise d’IA, elle met en avant ses forces historiques. Contrairement à Google ou OpenAI qui conçoivent des IA généralistes et des recherches poussant vers l’AGI, Palantir souhaite insister sur l’IA appliquée. Son PDG Alex Karp résume cette distinction. L’entreprise se voit à la pointe de « l’IA opérationnelle », gérant l’intégration de modèles comme elle gérait déjà les données, plutôt que de rivaliser sur la création de modèles fondationnels eux-mêmes. Concrètement, la stratégie de l’entreprise consiste à embarquer l’IA dans les processus métier critiques de ses clients, ce qu’il décrit comme des solutions « souveraines par le logiciel » sur mesure pour chaque organisation. Cette orientation diffère de l’approche d’OpenAI, qui vise une diffusion large de ses modèles via des API standard et des partenariats multiples dans tous les secteurs. Palantir se spécialise dans l’IA sur étagère pour clients à haut niveau d’exigence (gouvernements, grandes entreprises), là où d’autres démocratisent l’IA auprès d’un public plus vaste.
Dans le secteur du logiciel industriel, Palantir cherche également à se démarquer des acteurs établis (tels que Siemens, GE ou IBM). L’entreprise vend un récit selon lequel l’IA serait patriotique et valoriserait le travail d’atelier et d’entrepôt. Là où des solutions industrielles classiques peuvent être perçues comme rigides ou purement techniques, Palantir, via cette campagne, se présente comme le nouvel outil offensif de l’IA industrielle. Les solutions sont porteuses d’une vision qui se veut sociétale. Plutôt que de simplement vendre une plateforme, l’entreprise vend l’idée que son IA redonne du sens au travail dans l’usine ou l’entrepôt. Ce storytelling concurrentiel vise à séduire les clients industriels en promettant non seulement des gains d’efficacité, mais aussi une meilleure acceptation de l’IA par les employés. C’est un angle que ni OpenAI, ni les fournisseurs de logiciels industriels traditionnels n’ont autant mis en avant.
Il convient de noter que cette différenciation s’inscrit aussi dans un contexte de valorisation boursière élevée de Palantir grâce à l’engouement pour l’IA. La campagne Working Intelligence sert donc à légitimer ce statut d’« acteur IA » aux yeux du marché en montrant concrètement comment l’entreprise utilise l’IA pour transformer le travail. Certains analystes restent sceptiques sur sa capacité à dominer l’ère de l’IA grand public, jugeant qu’il reste ancré à un créneau de confiance et qu’il n’a pas l’écosystème ouvert d’une entreprise comme OpenAI. L’entreprise assume ce positionnement de niche premium, mieux vaut être l’alternative “sûre et spécialisée” que courir après le grand public. Le message est clair, la société ne serait pas un acteur IA de plus, mais celui qui met l’IA au travail dans les secteurs stratégiques.
Idéologie et narration : centrés sur l’humain ?
L’initiative The AI Optimism Project porte une idéologie forte et délibérée. Palantir se positionne en contrepoids aux discours alarmistes sur l’IA. Le manifeste s’ouvre en dénonçant les deux extrêmes qui dominent la conversation sur l’IA. D’un côté les « doomers » qui dénoncent une IA qui « prendra votre travail puis votre vie » et de l’autre les « pacifiers » qui promettent une aisance sans travail où les machines font tout et les humains se contentent d’appuyer sur des boutons. L’entreprise rejette ces deux récits artificiels pour proposer sa propre vision. Selon eux, « la réalité sur le terrain est différente. L’IA ne devrait pas tuer le travail, elle devrait le transformer », affirme le manifeste. Autrement dit, l’idéologie sous-jacente valorise le travail humain et défend l’idée que l’IA bien employée redonne du sens et de la valeur au travail, au lieu de le supprimer.
Cette narration met en première ligne la figure du travailleur. Palantir proclame que « l’ouvrier américain est notre plus grande force », rappelant que la créativité et l’ingéniosité des travailleurs ont construit les chemins de fer, gagné la Seconde Guerre mondiale et envoyé l’Homme sur la Lune. Il y a ici une idéologie très claire de valorisation du travail manuel et industriel, ancrée dans l’histoire et le mythe du progrès américain. Le message implicite est celui selon lequel l’IA doit s’inscrire dans cette lignée de progrès en outillant les travailleurs, non en les remplaçant. Le manifeste cite l’exemple parlant des distributeurs automatiques de billets : « le guichet automatique n’a pas remplacé les employés de banque : il a enrichi leur travail », de même, l’IA peut libérer les salariés des tâches répétitives pour qu’ils se concentrent sur plus de valeur ajoutée.
La rhétorique employée par Palantir se veut anti-dystopique et patriotique. On retrouve une confiance dans la capacité humaine à s’adapter et à tirer parti des outils. Les témoignages publiés dans le cadre du projet renforcent cette narration avec des exemples concrets. Le docteur Ed Kimlin compare l’IA à une tronçonneuse. Selon lui, « l’IA, c’est comme le chaînon manquant qui permet de travailler intelligemment plutôt que durement », ce qui préserve ce qui fait de nous des humains tout en ajoutant efficacité et ingéniosité. Il illustre comment l’IA l’a libéré de tâches administratives chronophages pour les réduire à dix minutes avec une qualité accrue, l’IA repérant des détails qu’il aurait pu manquer. Le portrait n’est pas celui d’un humain dépassé, mais augmenté.
Un autre témoignage, celui de Ryan Goodwin qui travaille chez Trinity Industries, résume l’idéologie en une phrase : « On n’essaie pas de remplacer les gens, on les libère ». Ce dernier raconte comment, partout dans les entrepôts, il voyait des personnes brillantes piégées à faire du travail stupide et comment fournir les bons outils permet à ces travailleurs d’exprimer leur intelligence et de progresser. La culture américaine de l’initiative (self-reliance) est ici mise en exergue : « Donnez-nous les bons outils et nous allons foncer. [… ] Les Américains ont l’audace de mettre directement la technologie entre les mains des gens sur le terrain et de leur dire : ‘Allez, améliorez les choses’ ». Cette confiance dans l’utilisateur final représenté par l’ouvrier et l’employé est un élément clé de la narration. L’entreprise américaine se fait le porte-voix d’une idéologie qui se dit humaniste où l’IA sert d’amplificateur à l’autonomie et à la créativité du travailleur de base.
Il y a, enfin, une charge morale importante. Palantir oppose une vision dystopique de l’IA à une vision volontariste, presque héroïque, où l’IA devient un nouvel outil d’émancipation. Il y a un certain idéalisme technologique qui rappelle les grands récits américains du progrès. L’outil est ici est un vecteur de réalisation de soi et de prospérité commune, s’il est guidé par les bonnes valeurs. L’image que l’entreprise cherche à projeter est donc double, celle d’une entreprise pro-humaine et dans le même temps techno-patriote.
Working Intelligence : l’idéologie patriote au service du travail
Le terme même de « Working Intelligence » est porteur de sens dans cette idéologie. Celui-ci suggère une intelligence au travail. Elle est représentée par l’intelligence en action et intelligence du travailleur plutôt qu’une intelligence artificielle désincarnée. Palantir construit ainsi un récit où l’IA est au service du labeur, et non l’inverse. On retrouve l’idée d’« IA centrée humain » explicitement formulée par Vardhan Kapoor sur le site de Working Intelligence : « un workflow IA centré sur l’humain, et non un workflow où l’IA automatise l’humain ». Cette phrase, issue d’un des témoignages, résume parfaitement l’idéologie que souhaite prôner l’entreprise. L’humain doit passer d’abord, la machine en soutien. Il souligne aussi que les meilleures innovations naissent en discutant avec les travailleurs sur le terrain de ce qui pourrait les aider. Cette conception se veut en opposition à l’idée que la Silicon Valley impose d’en haut des solutions déconnectées.
En définitive, l’idéologie véhiculée est un mélange d’optimisme technologique mesuré, de valorisation du travailleur et de patriotisme américain. Palantir se positionne en narrateur d’une histoire rassurante où l’IA, loin d’être une menace ou un gadget d’une future dystopie, devient la prolongation naturelle de l’envie humaine d’amélioration du travail. C’est une tentative de reformuler le récit de l’IA dans un cadre positif et maîtrisable, une idéologie qui sert bien sûr les intérêts de la société américaine en rendant ses solutions acceptables et désirables.
Implications politiques et économiques : un message aux décideurs, aux industriels et aux travailleurs
Cette campagne n’est pas qu’un exercice de communication, elle a aussi une portée politique et économique importante. Palantir adresse un message à plusieurs publics influents, gouvernements, dirigeants d’industrie, opinion publique et même syndicats, pour orienter le discours sur l’IA dans un sens qui lui est favorable et, selon lui, bénéfique au pays.
Pour les décideurs publics, le signal envoyé est clair : l’IA ne doit pas être crainte comme destructrice d’emplois, mais encouragée comme moteur au service de la réindustrialisation. En mettant en avant l’ouvrier américain et en montrant des médecins, logisticiens ou RH épanouis grâce à l’IA, la société américaine fournit aux responsables politiques un récit rassurant qu’ils peuvent reprendre à leur compte. Le manifeste affirme par exemple que déjà « des milliers d’Américains utilisent l’IA pour se libérer des processus et revenir aux résultats » concrets. Ce type d’argument appuie l’idée que l’adoption de l’IA peut renforcer la productivité nationale sans provoquer de chômage de masse, un message que de nombreux élus et régulateurs sceptiques technologique souhaitent entendre. D’ailleurs, l’administration américaine elle-même a récemment insisté sur la nécessité que l’IA « améliore la vie des travailleurs en complétant leur travail, pas en le remplaçant », dans le cadre de sa stratégie nationale sur l’IA. Palantir s’aligne donc stratégiquement sur ces préoccupations politiques. La campagne fournit un vocabulaire et des exemples concrets pour soutenir des politiques pro-IA optimistes. Le message sous-jacent aux pouvoirs publics est : faites-nous confiance, notre vision de l’IA est dans l’intérêt du pays et de ses travailleurs. En se posant en garant des principes de liberté individuelle, de démocratie et de méritocratie dans le développement de l’IA, l’entreprise cherche à s’aligner avec les valeurs que défendent les institutions américaines.
Sur le plan géopolitique et de la sécurité nationale, Palantir fait directement référence à la compétition technologique mondiale. Le manifeste déclare que le leadership américain en IA est « non seulement une nécessité technique mais un impératif moral », afin que « nos principes de liberté et de démocratie guident la croissance de l’IA plutôt que les autocrates et technocrates ». Ce passage vise notamment la Chine et autres régimes, en sous-entendant que si l’Occident, mené par les États-Unis, n’impose pas ses valeurs dans l’IA, d’autres le feront à leur avantage.
Le projet sert donc aussi de plaidoyer patriotique. L’entreprise se positionne comme un atout pour que l’Amérique gagne la course à l’IA. Alex Karp, le PDG, a affirmé publiquement que « la révolution de l’IA devrait être appelée la révolution américaine de l’IA », soulignant que selon lui les entreprises américaines dominent ce domaine. L’entreprise rappelle son engagement à ne pas collaborer avec des puissances adverses. Elle revendique refuser les clients “contraires à sa mission de soutien aux démocraties occidentales” et a décliné de travailler en Chine ou en Russie. Tout cela renforce un message aux décideurs politiques américains et alliés. Palantir se met en avant comme « un partenaire de confiance, aligné sur l’intérêt national et la défense du monde libre ». En période de tensions géopolitiques autour de l’IA, cette posture peut orienter les choix d’investissement publics vers la société, vu comme le champion domestique plutôt qu’une entreprise Big Tech perçue plus mondialisée ou accommodante avec la Chine.
Aux industriels et aux chefs d’entreprise, la campagne délivre un message économique. L’adoption de l’IA, c’est l’amélioration de l’efficacité et de la performance tout en renforçant vos équipes. Les exemples concrets fournis sont parlants pour un dirigeant : un assureur a pu automatiser massivement son processus de souscription grâce à 78 agents d’IA sur Palantir AIP, faisant passer un travail de deux semaines à trois heures ; un médecin gagne 6 fois plus de temps sur des tâches administratives en utilisant un assistant IA. Ces chiffres font écho aux promesses habituelles de gains de productivité, mais l’entreprise américaine y ajoute la dimension humaine : « Même quand on perd, on gagne, car on a fait notre travail de manière plus approfondie en une fraction du temps », témoigne le Dr Kimlin sur sa lutte contre les refus d’assurance désormais optimisée par l’IA. La firme américaine propose ainsi une vision “gagnant-gagnant” où l’entreprise y trouve son compte sans sacrifier les salariés. En outre, en adoptant les solutions de la société, les industriels peuvent se présenter comme innovants mais responsables, ce qui compte dans un contexte où l’acceptation sociale de l’IA devient un facteur de réussite des projets.
Aux syndicats et aux travailleurs eux-mêmes, Palantir tente de fournir des gages. Elle envoie un message rassurant aux représentants du personnel. Le but affiché n’est pas de remplacer les adhérents, mais à leur retirer le fardeau du « bullshit work ». L’entreprise américaine suggère que l’introduction de l’IA peut même revaloriser certaines compétences et en créer de nouvelles comme les gestionnaires d’IA, formateurs, etc. C’est un message subtil mais important politiquement. Il nourrit l’argument d’un compromis positif autour de l’IA, où les gains de productivité ne se font pas aux dépens de l’emploi, mais permettent au contraire de monter en gamme.
Influencer la régulation de l’IA
Sur un plan plus large, l’initiative de Palantir reflète et influence possiblement les débats nationaux sur la régulation de l’IA. En prônant que « les marchés, la supervision démocratique et les forces culturelles feront prospérer les bonnes IA tandis que les mauvaises péricliteront », elle défend une ligne plutôt libérale dans la gouvernance de l’IA, opposée à interdictions drastiques. Ce message s’adresse aux législateurs. L’entreprise américaine souhaite faire passer le message selon lequel il ne faut pas céder à la technophobie ou ralentir l’innovation par excès de précaution, tant qu’on garde nos valeurs et qu’on encadre avec discernement. Cela rejoint les préoccupations récentes de la Maison Blanche, qui cherche à encadrer l’IA sans freiner son développement. Palantir fournit des éléments de langage allant dans ce sens, renforçant l’idée qu’une IA « à l’américaine » peut être compétitive et éthique à la fois.
Enjeux marketing et technologiques : vers une marque d’« IA industrielle patriotique et rassurante »
Du point de vue marketing, The AI Optimism Project s’apparente à une véritable campagne de branding pour Palantir. L’entreprise construit autour de l’IA une image forte, mêlant performance technologique et valeurs incontestables, afin de se différencier et de fidéliser sa communauté de clients et de soutiens. Les éléments clés de ce branding sont le patriotisme industriel et la confiance rassurante.
En imprimant le drapeau américain au sein de son message et en intégrant des références constantes aux travailleurs américains, aux triomphes historiques des États-Unis, à la morale occidentale, la société américaine cherche à devenir synonyme d’« IA made in USA » fiable. Cela répond à un enjeu marketing important. S’adosser à l’imaginaire patriotique confère, aux États-Unis une certaine légitimité et sécurité. Palantir se pose en gardien des valeurs américaines dans la tech, ce qui lui permet de se distinguer des Big Tech parfois accusées d’être déconnectées des intérêts nationaux ou des préoccupations du peuple. On retrouve là une stratégie déjà utilisée par l’entreprise lors de son entrée en bourse en 2020, quand Alex Karp mettait en avant le refus de l’entreprise de travailler avec la Chine, par patriotisme. Avec Working Intelligence, ce positionnement patriote est étendu au domaine économique et social interne.
Le terme d’IA « patriotique » peut aussi être lu comme un gage de souveraineté technologique pour les clients. Pour une entreprise ou une administration, choisir cette entreprise, c’est choisir un fournisseur aligné avec son gouvernement et ses valeurs, réduisant le risque politique. C’est un argument marketing puissant face à des concurrents étrangers ou perçus comme tels.
Par ailleurs, Palantir construit une marque d’IA « human-centric ». Ce positionnement est désormais très recherché. Beaucoup d’entreprises technologiques parlent de mettre l’humain au centre, mais la firme essaye de s’approprier ce créneau. L’expression « human-first AI workflow » avancée par Firstwork ou « IA centrée sur le travailleur » pourrait devenir un slogan associé à l’entreprise. En cultivant l’optimisme et la bienveillance, elle adoucit son image. Cette campagne doit venir contrer l’image d’une entreprise longtemps vue comme secrète et liée au renseignement. Working Intelligence sert donc aussi à faire évoluer la perception publique de l’entreprise, la faisant passer de « boîte de big data militarisée » à « partenaire bienveillant de la transformation digitale des travailleurs ».
Sur le plan technologique, la campagne met en creux l’accent sur les offres phares de Palantir sans les nommer, en insistant sur leurs cas d’usage. Aucun produit n’est explicitement mentionné dans le manifeste ou les témoignages, on ne voit donc pas de nom comme Foundry ou AIP dans le texte public. Le but est de vendre une philosophie, pas une licence logicielle dans un argumentaire technique. Entre les lignes, l’entreprise met en avant des capacités technologiques clés comme l’automatisation des processus, les agents intelligents collaboratifs, l’IA embarquée sur le terrain. La firme américaine suggère qu’il dispose de la boîte à outils complète pour réaliser cette vision avec des plateformes d’analyse de données robustes, connecteurs pour l’IA, solutions Edge pour les capteurs industriels, etc. La campagne sert à donner du sens à ces produits pour le client. Palantir affirme « nous avons la tronçonneuse moderne qui va décupler la force de vos employés ». C’est une traduction marketing de l’offre technique.
En somme, la campagne Working Intelligence vise à créer autour de Palantir une marque d’IA à part. Une IA patriote, bien ancrée dans l’économie, pensée pour l’ouvrier comme pour le monde militaire, et qui rend confiant plutôt qu’anxieux. C’est un exercice de storytelling réussi où chaque composante cette image. L’entreprise parie qu’en rassurant et en inspirant ainsi ses audiences, il ouvrira de nouveaux marchés et consolidera ses liens avec ses clients existants. À l’heure où l’IA suscite autant d’espoirs que de peurs, ce positionnement permet à la société de se présenter comme l’outil incontournable d’une IA responsable et souveraine. Cette campagne pourra, pour de nombreux acteurs, faire la différence dans le choix d’une solution. La technologie n’est plus vendue pour elle-même, mais pour ses bienfaits concrets, dans un cadre narratif positif aligné sur des valeurs.
Le Guillou Zoé
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