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Avertisseurs de radars : la ruse du Coyote

Peu de temps après le lancement des avertisseurs de radars Coyote, associations et gouvernements se mobilisent pour les interdire. Pour subsister, l’entreprise saura habilement déployer des opérations d’influence et de lobbying, afin de déjouer les politiques à son encontre.

L’avertisseur de radars Coyote, un produit contesté 

En 2005, Fabien Pierlot lançait Coyote System, une société française commercialisant des avertisseurs de radars qui prennent la forme de petits boîtiers. En l’espace de quelques années, Coyote s’impose comme le leader français et européen du secteur, cumulant plus d’un million d’utilisateurs

Pourtant, dès 2007, ce type de dispositifs génère l’indignation d’associations de protection des automobilistes et suscite des réactions à travers toute l’Europe. La même année, la Suisse interdit les avertisseurs de radars, tandis que le débat fait rage outre-Rhin. Au même moment, le gouvernement Sarkozy met en place une campagne d’installations de radars dernier cri. S’ils permettent officiellement de protéger les usagers, les contraventions qu’ils génèrent créent surtout une source de recettes alléchante pour l’État. 

En France, il faut attendre mai 2011 pour que le Gouvernement Fillon s’intéresse aux petits boitiers de Coyote et annonce l’élaboration d’un projet de loi visant à les interdire sur le territoire. Le 11 mai de la même année, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, prononce l’interdiction des avertisseurs de radars, dont les boitiers Coyote

La contre-offensive du Coyote  

Loin de s’avouer vaincu, Fabien Pierlot fait appel à Yves-Paul Robert du cabinet Havas, spécialisé dans la gestion de crise. Ensemble, ils identifient les parties prenantes et établissent un narratif alternatif à celui de la Sécurité Routière. Coyote devient un acteur de la prévention routière, et l’avertisseur de radar se transforme en un assistant d’aide à la conduite. 

 

Dès lors, Coyote trouve en ses concurrents Wikango et Inforad des alliés de circonstance, avec lesquels il crée l’Association française des fournisseurs et utilisateurs de technologies d’aide à la conduite (AFFTAC). Ils organisent alors une conférence de presse à l’Automobile Club de France à Paris, au cours de laquelle Coyote, à travers une communication limpide étayée par des éléments de langages probants, lance un vaste appel à la mobilisation pour contester le projet de loi. Yves-Paul Robert induit habilement les médias en erreur, laissant entendre que la fronde s’éveille partout à travers le territoire, tout en  les guidant vers Marseille où une foule en colère les y attend. En parallèle, une pétition est lancée en ligne et recueille un million et demi de signataires

A travers ses actions « coup de poings » et sa stratégie d’influence percutante, Coyote parvient à retourner la tendance. La position du gouvernement est alors affaiblie et la contestation monte, jusqu’aux sifflements des députés à l’encontre de Claude Guéant au sein de l’Assemblée Nationale. 

Une stratégie payante

Une fois le rapport de force inversé, le gouvernement cède, et Fabien Pierlot est reçu Place Beauvau pour entamer des négociations avec Claude Guéant. À travers un prodigieux passe-passe sémantique, Fabien Pierlot s’offre une porte de sortie et Coyote entrevoit un avenir prometteur. Selon le communiqué du ministère, « c’est afin de faire respecter les limitations de vitesse sur tout le territoire et de sauver davantage de vies » que « les avertisseurs de radars seront transformés en assistant d’aide à la conduite » avec « un travail en commun en vue de développer un ensemble de fonctionnalités contribuant à améliorer la sécurité routière. » C’est gagné pour Coyote qui peut reprendre sa route sereinement.

L’entreprise française se met hors de portée des associations de défense des usagers, tout en prenant de vitesse ses concurrents. Loin de se gargariser d’une victoire savoureuse, Coyote entreprend une campagne active d’homologation de ses boîtiers et met à jour ses bases de données. Les assistants d’aide à la conduite se distinguent des détecteurs, avertisseurs ou brouilleurs de radars restés illégaux, par une précision moins importante sur la position des radars. Il s’agit également de recentrer la communication sur la légalité et la sûreté de ses dispositifs : « Coyote c’est le club des conducteurs éclairés. Plus il y a de Coyotes, plus la route est sûre », puisque lorsqu’il aboie il faut ralentir. 

La gestion de crise de Coyote par Havas est un cas d’école en matière d’intelligence économique et d’influence. D’un ultimatum juridique inexorable, l’entreprise est parvenue à réécrire la loi à son avantage en mettant à contribution ses utilisateurs tout en leurrant médias et politiques, afin d’en ressortir comme l’unique vainqueur. Une opération d’influence redoutablement bien montée, qui permet à l’entreprise tricolore de renforcer un leadership menacé en déployant une stratégie imparable d’intelligence économique. 

Une Success StorIE de Simon Renard & Tiphaine de Rauglaudre

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